Et si le statut d’immigré était une chance et non un problème ? L’armoire des braises est de couleur grise. Elle appartient à l’auteur. Elle est ardente, incandescente, brûle au toucher… Dès qu’on lui arrache les cendres insignifiantes d’une carte postale ancienne, d’un manuscrit ou d’une lettre. Sur ses étagères, des histoires et des histoires, des panneaux intérieurs exposés, le parcours d’une vie poreuse et profondément humaine. Le conservateur de ce musée intime est un « entrepreneur mémoriel » collectionneur de l’insignifiance, de ces traces fragiles dans ses propres chemins de traverse. Il apprend à reconstituer une odeur, un goût perdu, une liqueur enfouie dans les entrailles de l’histoire. Ses mots sont des caméras qui filment un monde inventé. Les objets sont braises. Ils réchauffent des échos invisibles, réveillent la présence derrière l’absence. L’auteur a toujours rêvé d’exposer des parcours humains, des toiles de maitres sans signatures. Pourquoi en faudrait-il ? Faut-il des toiles d’ailleurs ? Il utilise des leviers de mémoire inattendus : des cartes postales anciennes, une pomme de terre bleue, des gares à l’abandon, des abeilles, la musique merveilleuse des plantes. La mémoire est friable. Elle est particule, flottante dans l’air. Il nous faut la cueillir à travers la joie de l’autre, à travers sa peine aussi. L’auteur mêle nos respirations dans un souffle créateur, décolonisateur, émancipateur. Ce livre devient alors un voyage enchanteur vers un musée nouveau, celui des absences.
Trois livres, trois chemins intérieurs en enfilade, trois saisons croisées ouvrant vers une nouvelle lecture de la décolonisation des esprits et la libération des identités exilées, assignées à résidence. L’immigration est un mot étroit, incapable de contenir une vie. Dans l’armoire grise de l’auteur, des tresses de souffles d’un passé qui brûle entre blessures et résistances.